Vivre avec l'inondation


La situation du territoire situé en aval des Ponts-de-Cé et fréquemment inondé retient l’attention dans la mesure où, lors des inondations, la population qui y habite semble vivre avec celles-ci d’une façon non conflictuelle. S’il est bien connu que les plus anciens ressentent le besoin atavique de revoir une crue de temps à autre, il est apparu intéressant d’analyser la perception des habitants qui ont “adopté” ce territoire ou qui y vivent depuis peu.
La DIREN de Bassin a bien voulu confier à “La Sauvegarde de la Loire Angevine” la responsabilité d’effectuer cette étude. Celle-ci a été réalisée, fin 2000 et courant 2001, avec la collaboration d’une association amie, “Bouchemaine et Loire”, pour renforcer notre travail de bénévoles.
Après acceptation du rapport d’étude par la DIREN, présentation aux diverses administrations ainsi qu’aux personnes qui ont bien voulu accepter de répondre à nos questions, nous publions ci-dessous, une synthèse de celui-ci.
Naturellement, il faut bien se garder de considérer que ce qui est valable pour ce territoire l’est aussi pour d’autres. Le régime des inondations est un phénomène bien trop complexe pour qu’il soit possible de généraliser et chaque situation est à traiter cas par cas ; par contre, l’expérience acquise en certains endroits peut être utile pour d’autres.

Le rapport complet est chargeable au format p.d.f. Rapport.pdf




1. LE TERRITOIRE CONCERNÉ

Pour l'essentiel le val du Louet s’étire sur 18 kilomètres pour former une unité d’environ 2 600 hectares dont la limite sud-est est constituée par des coteaux qui limitent, en cet endroit, le lit majeur. Il regroupe les îles formées entre la Loire, les méandres du Louet et une partie de la basse vallée de l’Aubance.Plus en aval, l'île de Chalonnes, depuis Chalonnes-sur-Loire jusqu'à Montjean-sur-Loire, représente une surface d’environ 1 600 hectares entièrement submergés par des crues de fréquence décennale.
En rive droite, une fine bande de terrains inondables s’étend, au pied du coteau, entre les bourgs de Bouchemaine et de La Posson-nière. Au droit de Savennières, l’île de Béhuard voit la totalité de son territoire noyé par des crues moyennes.
La superficie totale des communes considérées est de 19 500 hectares alors que les "surfaces mouillées" représentent 6 000 hectares .
L'étude n'a pas pris en compte la zone inondable des Ponts-de-Cé, qui présente un territoire fortement marqué par l’urbanisation et le remodelage artificiel des terrains.

2. MÉTHODE

2.1 Critères de choix des personnes rencontrées

Dans le but d’obtenir une image la plus fidèle possible de la population de la zone inondable, plusieurs critères de sélection ont été définis. Ils sont présentés par ordre d’importance, mais c’est d’une combinaison de tous ces paramètres que découlaient les choix.

vie à l’année en zone inondable

Les personnes utilisant une maison inondable, comme résidence secondaire, n'ont pas été sélectionnées pour privilégier les habitants confrontés aux inondations dans leur vie quotidienne.

ancienneté locale

La détermination de catégories, en fonction de l’ancienneté locale, repose sur deux éléments : les personnes étaient-elles originaires de la zone inondable ou, dans le cas contraire, avaient-elles vécu l’inondation du 23 décembre 1982 (cette dernière étant la plus importante depuis celle de 1910 dite "crue du siècle").

Ainsi, trois classes d’ancienneté locale ont été retenues :

* les "enfants du pays", pour qui les inondations font partie intégrante de la vie,
* les "rapportés d’avant 1982", ayant connu la dernière grande crue en date,
* les "rapportés d’après 1982" n’ayant pas encore été confrontés à des niveaux d’eau exceptionnels.

exposition au risque

L’exposition au risque représentait un autre paramètre important. L'Atlas des zones inondables a servi de référence. La préférence a été donnée aux habitants des secteurs les plus exposés, mais les autres n’ont pas été oubliés car quelques centimètres d’eau dans une maison peuvent suffire à totalement désorganiser la vie quotidienne de certaines personnes. En outre, si le classement en zones d’aléas donne une idée de l’exposition au risque d’inondation, des bâtiments situés dans une même zone peuvent subir la crue de manières totalement différentes.

activité professionnelle

La profession a été aussi prise en compte afin de diversifier les catégories socioprofessionnelles et de distinguer les différentes contraintes liées au respect des horaires de travail en dehors de la zone inondable, ou liées aux activités sensibles comme celles des agriculteurs ou des restaurateurs.

2.2 Audition des personnes rencontrées.

- Un questionnaire type, destiné aux habitants, a été élaboré dans le but de connaître les aspects les plus importants de la vie en zone inondable. Afin de prendre en compte la dimension humaine des informations, une large place aux commentaires libres a été prévue. En effet, il apparaissait important de bien appréhender le "vécu" de chacune des personnes interrogées.
Dans ces documents, sont abordées les questions relatives aux origines, à l'activité, à l'habitation, au mode de vie durant l'inondation, à l'information, à la perception de l'inondation, etc.
Toutes les personnes ont été rencontrées chez elles, époux et épouse avaient ainsi la possibilité de faire des réponses individuelles et une très large place était réservée aux appréciations personnelles car une réponse oui/non pouvait être ressentie comme contraignante.

- Un questionnaire destiné aux maires des communes concernées pour mieux percevoir l'approche globale du "vivre avec l'inondation" en termes de territorialité et de moyens employés pour assurer la sécurité des personnes et des biens durant l'inondation.

3. ÉCHANTILLONNAGE

Quarante-trois entretiens ont été effectués auprès des particuliers, ce qui correspond à quatre-vingt une personnes adultes rencontrées et auditionnées (trente-huit couples et cinq célibataires) au sein de dix communes. Il faut y ajouter les dix maires rencontrés.

3.1 Répartition des âges

L’éventail des âges s’étale de vingt-huit ans à quatre-vingt-onze ans mais une forte majorité des personnes sont "d’âge mûr" :
- un tiers des habitants ont plus de soixante ans
- la moitié des habitants ont de quarante à soixante ans
- les moins de quarante ans ne représentent que 17 % de l’effectif. Aucun de ceux-ci n’a vécu la crue de 1982.

3.2 Ancienneté locale

Rappelons les trois grandes catégories de population ciblée :

- Les "enfants du pays", c'est-à-dire des personnes qui sont descendantes de familles vivant dans ces endroits et qui y ont pratiquement toujours vécu.(30%)

- Les "rapportés d'avant 1982" qui sont des personnes venues habiter il y a plus de vingt ans et plus précisément avant 1982. Cette date correspond (23 décembre 1982) à une des plus hautes inondations du secteur et est donc représentative d'un vécu difficile.(27%)

- Les habitants installés après 1982 et qui ont donc l'expérience d'inondations moyennes, comme celles de janvier 1995 ou même de décembre 1999.(43%)

3.3 Exposition aux risques

L’atlas des zones inondables a été le document de référence qui a fortement guidé le choix des habitants consultés.
Près de trois quarts d’entre eux (respectivement 63 % et 9 %) vivent en zones d’aléa fort ou très fort.

Pour mémoire, les définitions de cette classification sont les suivantes :

Aléa très fort : profondeur de submersion supérieure à 2 mètres avec des vitesses de courant moyennes à fortes.

Aléa fort : profondeur de submersion supérieure à 2 mètres avec une vitesse du courant nulle à faible ou une profondeur comprise entre 1 et 2 mètres avec des vitesses de courant moyennes ou fortes.

Aléa moyen : profondeur de submersion comprise entre 1 et 2 mètres avec une vitesse de courant nulle ou faible ou profondeur inférieure à 1 mètre avec une vitesse marquée.

Aléa faible : profondeur de submersion inférieure à 1 mètre sans vitesse marquée.

3.4 Activités professionnelles

Les personnes qui exercent un métier en dehors de la zone inondable représentent plus d’un tiers des habitants rencontrés (37 %). Il s’agit d’employés, d’enseignants, éducateurs ou animateurs, de cadres, de professions médicales ou libérales. À quelques exceptions près, comme des intermittents du spectacle, ces personnes ont quotidiennement des horaires de travail à respecter dans des structures qui ne sont pas concernées par les crues.
Les autres personnes ont une activité sur place (agriculteurs ou anciens exploitants, pêcheur professionnel, restaurateurs, boulangers) ou sont retraitées ou sans emploi.

4. SYNTHÈSE DES RÉSULTATS DE L'ENQUÊTE "HABITANTS"

4.1 Levées submersibles et voies de circulation

Pour les territoires concernés, les levées ne jouent pas le rôle de protection d'un val par rapport au fleuve dans la mesure où elles n'aboutissent jamais en territoire non inondable. Tout au plus servent-elles à ralentir la progression de l'inondation ou à diminuer la force des courants. Tel est le cas des levées de Saint Jean-de-la-Croix ou de l'île de Chalonnes. Elles présentent toutefois l'avantage de supporter des voies d'accès rarement submergées. Cependant, les voies communales qui permettent l'accès aux habitations sont rapidement submergées, bien avant les habitations, ce qui représente la première forte contrainte.

4.2 Déplacements et sécurité

Cette suggestion importante conduit les habitants à utiliser des solutions alternatives pour regagner une voie hors d'eau. Les bottes, cuissardes et même tracteurs agricoles connaissent rapidement des limites, surtout si la distance est importante ce qui est souvent le cas. L'utilisation du bateau devient alors la seule solution. Presque toutes les personnes disposent d'une embarcation mais quelques-unes refusent de l'utiliser pour des questions de sécurité.
La navigation sur les prés inondés nécessite de bien connaître les passages pour éviter les obstacles cachés sous l'eau. Il y a aussi les corps flottants qui dérivent et le vent qui peut créer un fort clapotis qui rend la navigation difficile.
Les déplacements en soirée ou tôt, les matins d'hiver, posent de sérieux problèmes car il fait déjà ou encore nuit. Seuls les plus aguerris des habitants se déplacent dans ces circonstances.
Dans tous les cas, le souhait de balisages a été fréquemment évoqué. Par contre, la sécurité n'apparaît pas être la préoccupation fondamentale (le gilet de sécurité n'est pas d'usage courant) mais l'emport du téléphone portable fait de plus en plus d'adeptes. Conscients des risques, les habitants font preuve plutôt d'une certaine prudence.

4.3 Acquisition de l'habitation

Les nouveaux habitants qui ont acheté la maison pour s'installer en vallée disent, dans leur grande majorité, avoir été informés surtout quand ils se sont renseignés auprès du voisinage. L'appréciation est plus nuancée quand il s'agit des informations venant des agences immobilières ou des notaires.
D'une manière générale, il est souvent question d'un "coup de foudre" pour les lieux et que, de toute façon, l'achat aurait eu lieu. Il y a cependant, pour tous, une réelle difficulté à imaginer ce que représente l'inondation et son immense étendue d'eau.
Le recours aux documents officiels pour mieux appréhender le sujet est rarement cité. L'atlas des zones inondables, pourtant consultable en mairie, est totalement méconnu ; les règlements d'occupation du sol, tels que P.I.G. ou P.P.R.i. le sont tout autant.
Il est fait parfois référence à des photos aériennes, en mairie, pour avoir une bonne appréciation de l'ampleur de l'inondation.

4.4 Circulation de l'information

L'information concernant les prévisions de crues est la préoccupation de tous et, curieusement, l'accès à celle-ci est très variable. La possibilité d'accéder aux prévisions grâce au répondeur d'Orléans est méconnue par nombre de personnes. Ces prévisions sont jugées parfois exagérées.......les veilles de week-end, par précaution.
Les informations provenant des mairies sont souvent effectuées par voie d'affichage donc peu accessibles pour les personnes concernées.
Les prévisions publiées dans la presse sont nécessairement en retard de 24 heures, par contre, la tendance, en période de crue, à dramatiser les situations est source d'irritation.
Chacun veut cependant s'assurer personnellement de l'évolution de la situation grâce à des mesures sur des repères verticaux mais aussi, parfois, simplement sur la progression de l'eau !......Les habitants les plus récents écoutent les avis des anciens tout en ne leur accordant qu'un modeste crédit, par prudence.
Tous sont cependant unanimes à reconnaître que l'eau monte lentement - les plus anciens disent qu'elle monte plus vite qu'avant - et qu'ils ne sont jamais pris par surprise.

4.5 La maison

La maison est au cœur des préoccupations et le souci de la mettre le plus possible hors d'eau est une constante. Au gré des années, les sols ont été rehaussés, parfois à plusieurs reprises, ce qui fait que les pièces sont "bas de plafond". Depuis que les maisons ont perdu leur affectation à des activités agricoles, les greniers ont été utilisés pour agrandir la surface habitable et, aussi, pour disposer de pièces hors d'atteinte de la crue. Au gré des changements de propriétaires, les modifications effectuées vont toujours dans le sens d'une meilleure protection ou, plutôt, d'une moindre vulnérabilité.

* avant l'inondation

Tous reconnaissent qu'ils attendent le dernier moment pour procéder aux interventions de circonstances, le moyen universellement utilisé étant le parpaing. Chacun en dispose. Les meubles légers sont montés à l'étage (pièces ou grenier) ainsi que les objets qui ne sont pas de première nécessité. Les meubles les plus lourds, ou les machines à laver, gazinières, etc....sont placés sur les parpaings. Les tables les moins fragiles restent en place et supportent les objets ou meubles à protéger. A noter que l'équipement de certaines cuisines a été conçu pour être facilement démontable.
Enfin, et ce n'est pas un mince détail, tout ce qui risque d'être submergé et d'être ainsi détérioré est surélevé, voire accroché en hauteur ou aux poutres des espaces de rangement.
Dans certaines situations, l'obturation des portes est effectuée pour empêcher les saletés de pénétrer mais tout le monde est conscient que rien ne peut empêcher l'eau de rentrer.
L'autre préoccupation est de ne pas oublier ce qui appartient à l'environnement de la maison : pompe électrique pour arroser, stock de bois, chaudière de chauffage, menus objets flottants, etc.
A noter, cependant, que personne n'a dit disposer d'une liste d'actions à faire progressivement et systématiquement, au moment ou l'inondation menace.

* pendant l'inondation

Rester ou partir est la première question qui se pose. Certaines personnes ne peuvent supporter le stress que cela représente et partent. D'autres sont obligés de partir pour des raisons dues au travail ou à la scolarité des enfants. Mais on note que, dans la mesure où cela est possible, la grande majorité préfère rester sur place.
Electricité, téléphone, réseau d'eau potable donnent satisfaction et permettent une vie quasi normale. Le problème de l'évacuation des eaux usées semble être le plus préoccupant et chacun possède "sa" solution en fonction des situations. Cela va de la solution la plus élémentaire, qui consiste à jeter les eaux usées directement dans la Loire, à celle qui consiste à ouvrir "à l'eau libre" le réseau d'assainissement.
Manifestement, la pollution n'est pas un problème en regard des volumes d'eau qui s'écoulent mais des améliorations semblent pouvoir être apportées, ne serait-ce que pour assurer le bon fonctionnement des installations après l'inondation.
Les moyens de chauffage sont conservés ou des solutions de remplacement sont utilisées, le cas échéant. Le chauffage électrique d'appoint apparaît être la solution quand chauffage central ou cheminées sont hors service.

* après l'inondation

La première tâche, dès que l'eau s'est retirée des pièces d'habitation est le lavage à "grandes eaux" pour éliminer boues et autres impuretés venues de l'extérieur. La deuxième préoccupation est le séchage. L'expérience prouve que rien ne vaut les courants d'air, portes et fenêtres sont donc laissées ouvertes toute la journée. Le chauffage n'est mis en fonctionnement que quelques jours après et progressivement. Les plus anciens n'hésitent pas à faire du feu dans la cheminée, ce qui présente l'avantage de réchauffer ceux qui se tiennent devant et de ventiler la pièce grâce au tirage de celle-ci. Beaucoup d'habitants considèrent que l'humidité s'évacue relativement rapidement dans les constructions anciennes mais d'autres se plaignent de l'humidité dans des maisons restaurées avec des matériaux inadaptés comme le ciment.
Peu de réparations importantes après l'inondation ont été évoquées car, en général, les parties submersibles ont été rendues compatibles avec l'eau. Pas de moquette, pas de papier peint, pas de parquet, etc.

4.6 La vie sociale

Regagner "la terre ferme" est le problème majeur car chacun ne dispose pas forcement d'un bateau ou ne maîtrise pas suffisamment la navigation dans cette situation. En fait, il existe une très grande solidarité, même si quelques réserves sont exprimées à ce sujet, et il est fréquent de faire barque commune. Pour limiter les allers et retours, il est convenu d'horaires et de points de rendez-vous. Du ravitaillement est aussi ramené pour ceux qui ne peuvent pas se déplacer.
Il en est de même pour le courrier des voisins, quand le bureau de poste accepte de le confier à une tierce personne.
Les déplacements les petits matins ou soirs d'hiver, dans la nuit, sont les plus délicats et il faut une bonne connaissance des lieux. C'est une pratique que peuvent imposer des horaires de travail, par exemple. Les plus anciens se chargent de transporter les nouveaux.
Pour les agriculteurs, la livraison du lait est la plus contraignante car la collecte à domicile n'est plus possible et la capacité de stockage réfrigéré n'excède pas quelques jours.
D'une manière générale, pour ceux qui travaillent à l'extérieur, les durées de déplacement sont notablement allongées et les contraintes horaires sont pesantes. Parmi les habitants récents, nombreux sont ceux qui souhaiteraient un balisage des itinéraires à emprunter.

Curieusement, le problème de l'entraide est résolu par le principe de "chacun sait ce qu'il a à faire" mais, en cas de besoin, il n'y a aucune réticence à aider. Attendre d'être sollicité est cependant parfois perçu comme une forme d'égoïsme.

Globalement, on peut dire que le tissu social des hameaux concernés se resserre au fur et à mesure que l'eau monte et se desserre lorsque l'eau baisse.

A l'égard des personnes situées hors inondation, il y a une unanimité pour reconnaître une grande solidarité de leur part, prêtes à rendre service. C'est le cas lorsqu'il s'agit d'accueillir des enfants en période scolaire pour les parents qui le souhaitent.
Après les premières appréhensions créées par ces immenses étendues d'eau, les enfants s'adaptent en général très bien à leur situation, certains étant même fiers d'aller en bateau à l'école. Très naturellement, leur perception est souvent le reflet de celle de leurs parents.

4.7 Le rôle des autorités

Les autorités et services publics ont en charge la sécurité des personnes et des biens et, à ce titre, la perception des habitants inondés est nuancé.
Il y a une véritable unanimité en faveur des pompiers qui sont considérés comme toujours disponibles, prêts à porter aide et assistance. En particulier, les agriculteurs les apprécient particulièrement quand il s'agit d'évacuer des bêtes. Cependant, il a été très souvent regretté qu'ils soient dérangés pour des broutilles, appréciation qui est à confronter au " chacun sait ce qu'il a à faire" évoqué ci-dessus.
L'activité des responsables communaux est perçue avec une certaine indulgence, voire avec prudence. La tendance est de considérer qu'ils font bien ce qu'ils ont à faire mais, implicitement, pas plus. Il est reconnu qu'ils disposent de peu de moyens.
L'administration, au sens large du terme, concentre toutes les critiques. Il lui est reproché, en vrac, de tout réglementer, de regarder ce qui se passe mais de ne rien faire et, naturellement, de ne rien connaître au sujet. Le fondement des démarches entreprises apparaît totalement inconnu voir incompris.

4.8 Les perceptions de l'inondation

Afin de cerner la façon dont les habitants de la zone inondable perçoivent les crues, quatre propositions étaient soumises :

A votre avis, l’inondation est-elle plutôt :
- un phénomène naturel qui a des côtés humainement enrichissants,
- une contrainte acceptée et, malgré tout, supportable,
- un risque qui pourrait être mieux maîtrisé,
- un danger inacceptable du point de vue de la sécurité des personnes et des biens.

La très grande majorité des personnes rencontrées considère l'inondation comme étant un phénomène naturel avec lequel il faut vivre. Il existe cependant des nuances dans ces perceptions. Les plus anciens la perçoivent comme un élément indissociable de ce qui leur est familier, les habitants récents pensent que quelques mesures locales pourraient rendre ces moments moins contraignants. Cette acceptation est aussi la conséquence d'un choix délibéré en faveur d'un lieu qui procure beaucoup de satisfactions en regard des inconvénients périodiques.
Une minorité, cependant, supporte assez mal l'angoisse de voir l'eau monter et pense possible de maîtriser le fleuve.
Globalement, les habitants ont une relation forte avec leur environnement qu'ils apprécient pour le meilleur et pour le pire.

5. SYNTHÈSE DES RÉSULTATS DE L'ENQUÊTE "AUTORITES"

Afin de savoir comment les élus prennent en compte le phénomène des inondations et de connaître la place des administrés de la zone inondable dans la gestion communale, les maires des communes concernées ont aussi été rencontrés. De même pour le Service Maritime et de Navigation

5.1 Connaissance des territoires en regard de l'inondation

La connaissance des superficies concernées est parfois très approximative. Par contre, les cotes à partir desquelles les premières voies sont touchées sont connues.

Pour ce qui concerne les documents relatifs aux zones inondables, seul l'Atlas des zones inondables est présent à l'esprit et est souvent critiqué. Dans nombre de cas, au niveau communal, les informations concernant les lieux inondés sont transmises oralement. Seul, le service technique d'une commune tient un "dossier inondation" très complet qui est actualisé à chaque nouvelle crue.

Les procédures d'information réglementaire sont respectées mais il est unanimement reconnu que les habitants concernés se sont, en général, informés bien avant que la mairie ne le soit.

5.2 Les moyens mis en œuvre en période d'inondation

Il ne semble pas qu'il existe un organigramme des relations, tant au niveau des informations que des prises de décisions, entre les différentes structures de responsabilité.
L'existence d'une cellule de crise au niveau préfectoral est plus ou moins connue de nombre de services municipaux.

Concernant les moyens matériels communaux, seule une commune dispose d'un bateau à moteur pour ses agents. Certaines disposent d'un stock de parpaings pour mettre en place une circulation piétonne en milieu urbain. Pour le reste, il est fait confiance aux habitants qui sont équipés en conséquence.

Les moyens humains communaux sont disponibles en cas de besoins ou de demandes. Pour des interventions lourdes, il est fait appel aux pompiers, voire aux militaires.

La voirie, et plus particulièrement les levées, sont surveillées par les agents du S.M.N et de la D.D.E. La voirie communale est inspectée après le retrait des eaux pour procéder aux premières interventions éventuellement nécessaires.

5.3 La perception des inondations

Les mêmes questions que celles posées aux habitants ont été posées aux maires.
Là aussi, la grande majorité des élus considèrent qu'il faut accepter l'inondation et cette position est d'autant plus affirmée que la commune est particulièrement concernée, à l'exception d'une qui milite en faveur d'une protection à l'amont.

5.4 La perception du comportement des habitants de la zone inondable

Beaucoup de maires affirment qu'il n'y a jamais eu de problèmes quelconques en période d'inondation, reconnaissant implicitement que la population concernée assume parfaitement.

En particulier, ils insistent beaucoup sur la solidarité qui existe, en ces périodes, entre les habitants et sur le rôle joué par les "anciens" qui apportent connaissance et expérience. Une pointe de regret est cependant exprimée à l'égard de ceux qui n'écoutent pas toujours.

5.5 La perception du rôle des services de l'Etat pendant l'inondation

On retrouve globalement, mais avec plus de nuances, les critiques formulées par le "grand public", à savoir l'incompétence et l'inutilité des technocrates par rapport aux gens du terrain qui auraient le savoir.
Les critiques les plus sévères sont formulées à l'égard du Service de Navigation dont le rôle est mal perçu.

Par contre, les pompiers font l'unanimité et le travail de la D.D.E. est respecté. La présence et les contacts humains des personnels expliquent ces perceptions positives.

6. ENSEIGNEMENTS et PISTES D’ACTIONS

Au terme de ce travail il est apparu souhaitable d’aller au-delà du simple constat et, à partir de tout ce qui avait été entendu, d’esquisser des pistes d’actions.

- La prévision des cotes.

Elle est naturellement au centre des préoccupations et le numéro du répondeur téléphonique d’Orléans devrait être plus connu. Cela suppose une optimisation du fonctionnement,car,même méconnu, il est souvent saturé en période de crise. D’autres solutions, comme Internet ,sont à développer.

- L’information sur les hauteurs d’eau.

L’entretien de la mémoire des plus hautes eaux est une nécessité et il convient de garder de nombreuses marques de celles-ci. Il faut que ces repères sautent aux yeux de tous, résidents, promeneurs, acquéreurs.
L’information des acquéreurs souffre d’un réel déficit d’information, ce qui ne peut qu’être source d’insatisfaction plus tard. Vendeurs, notaires, agences immobilières doivent faire un effort ; une contrainte réglementaire serait, sans doute, nécessaire.

- L’information concernant la réglementation.

Il apparaît une confusion entre “ne plus rien faire” et “ne pas faire n’importe quoi”. Les documents réglementaires sont inconnus ou mal compris et un petit document de synthèse contenant tout ce qui a trait aux contraintes de toutes natures qui existent en zones soumises aux risques d’inondation serait très utile.

- Des techniques de réhabilitation judicieuses.

De nouveaux matériaux et de nouvelles techniques se sont souvent substitués aux techniques ancestrales utilisées lors de la construction des habitations. La première conséquence est l’humidité qui règne en maître parce que les murs ou le sol ne respirent plus. Le “savoir construire ou restaurer en zone inondable” est méconnu de nombre de maîtres d’œuvre. Le C.A.U.E. pourrait jouer pleinement son rôle de conseil, aussi bien auprès des entreprises que des particuliers.

- Une assistance communale attentive.

Il existe une réelle demande pour que les itinéraires de navigation soient balisés, de nuit comme de jour, et qu’ils soient débarrassés de leurs obstacles naturels avant la période de crues.
Le problème du stationnement réservé aux voitures de ceux qui débarquent des îles a été évoqué et pourrait trouver une solution aisée, de même que la protection du matériel tels que les propulseurs
Un nettoyage curatif, aussi rapide que possible, serait bien perçu. La quantité de déchets qui s’accumulent est parfois impressionnante et un “coup de main” des employés communaux, même chez les particuliers serait une marque d’attention.

7. CONCLUSION

Il ressort de cette enquête une remarquable adaptation de la population aux conditions de vie imposées par l’inondation. Cela tient à trois raisons principales :
- la”mémoire” de l’inondation est conservée car la fréquence de celles-ci est régulière.
- la lente montée des eaux permet une bonne anticipation
- le bilan entre les désagréments et l’agrément de ce territoire reste largement positif.

Il apparaît aussi une bonne appropriation du savoir des anciens par les nouveaux habitants.Il est raisonnable de penser que le savoir “vivre avec l’inondation” des ANCIENS s’enrichisse, sans être renié, du savoir que ne manqueront pas d’acquérir les NOUVEAUX.
C’est une chance pour l’avenir de ce territoire.



Le rapport complet est chargeable au format p.d.f. Rapport.pdf

Retour accueil